28 avril 2006

Le nouveau péché de chair

Illustration : Johann Nepomuk Geiger

En vérité, je vous le dis, le péché de chair, aujourd'hui, existe toujours bel et bien. Il a seulement changé de forfait dans la litanie des sept péchés capitaux - de la case "luxure", il est subrepticement passé à la case "gourmandise", sous l'égide des grands prêtres de la religion la plus pratiquée en occident à l'aube du troisième millénaire : le culte de la minceur.

En premier lieu, peuple d'impies, qu'est-ce que le péché ? Vous souvient-il que c'est une transgression volontaire de la loi religieuse, qui met en péril non seulement le salut de l'âme, mais aussi la paix sociale ? A l'origine, le péché de chair s'exprimait dans la consommation indue de sexe : la masturbation rendait sourd (chez nous, en France, mais elle rendait aveugle aux Etats-Unis : question de climat, sans doute), on attachait les mains des jeunes gens dans les pensionnats pour les empêcher de commettre cet acte innommable, quand on ne les harnachait pas d'appareils de torture dissuasifs ; quant aux filles trop portées sur les plaisirs solitaires, il arrivait qu'on les excise, dans les sociétés occidentales du XIXème siècle. De fait, tout acte visant à la quête du plaisir sans intention de procréer était péché. Parallèlement, il a toujours été admis que le sexe constituait une tentation omniprésente, diabolique, à laquelle il fallait avoir la force de résister.

Au XIXème siècle, et même au-delà, on n'hésitait pas à penser que la pratique des plaisirs solitaires finissait rapidement par avoir sur la santé des répercussions néfastes et visibles par tous, que cela soit par (la crainte de) la survenue de la surdité, qui allait révéler au monde les pratiques inavouables auxquelles on s'était adonné, ou par les conséquences fatales de la masturbation, comme en témoigne cette série de seize vignettes au ton apocalyptique, publiée en France en 1844. Pour les femmes, le résultat de l'acte sexuel hors mariage était évident : engrossée, filles-mères, elles devenaient le déshonneur de la famille et portaient à jamais la honte d'une maternité illégitime, signe ô combien tangible du fait qu'elles avaient fauté.

Aujourd'hui, hormis dans les derniers bastions religieux intégristes, masturbation et sexe libre sont devenus de bon aloi. On étale presque naturellement ses expériences sexuelles, mais le péché de chair n'a pas disparu pour autant. La honte séculaire liée à ce que la société considère comme l'addiction à des plaisirs immoraux et vils s'est déplacée sur la prise de nourritures riches : tout comme on se faisait jouir en secret dans les siècles passés, on absorbe désormais en secret les aliments qui sont bons pour les sens mais mauvais pour la ligne, la prise de poids constituant la répercussion néfaste et visible par tous de la faute à laquelle on a succombé. Ainsi, le gras qui enrobe le corps prend, dans l'inconscient collectif, la valeur de la révélation publique du péché commis.

Il n'est nul besoin d'aller chercher loin pour trouver des justifications à ce que j'avance là. Regardez les publicités pour les produits prétendument "minceur" : Allez-y, c'est permis ! Tout fonctionne sur la base de l'interdit et du permis, comme dans la religion. Fleurissent même dans les rayons des pharmacies et des supermarchés de nouvelles formes d'hosties, qui permettraient d'expier, en quelque sorte : des tablettes soi-disant mangeuses de graisses, des cachets qui accélèreraient la combustion des calories, des eaux, même, à valeur quasi-bénite, qui font éliminer. Toutes potions magiques censées réparer la faute du nouveau péché de chair, au même titre que la communion à l'église.

Ainsi, puisque le corps gros représente la manifestation tangible du vice et de l'immoralité de celui qui n'a pas su résister à la tentation (et donc au démon), à l'inverse, le corps mince constitue un signe de vertu et, par conséquent, toujours dans la lignée de notre culture judéo-chrétienne, une promesse de salut : si nous mangeons comme il faut, sans pécher, nous aurons le privilège d'aborder le cimetière en bonne santé. Bonne nouvelle, non ?..

Illustration : Blame Picasso ©

3 commentaires:

Marquisdejolie a dit…

Bravo! Te voilá enfin!

Anonyme a dit…

Rusicade apprécie les blogs de goût !
Et il m'amuse de noter que, pas un seul mot dans les évangiles ne condamne la luxure…
mais la peur des hommes est telle qu'ils ont tôt fait d'y en trouver.
Chassons lme naturelm puisqu'il revient au galop.
Quant au corps gros siège du péché… c'est une vision de (m) aigre.
Bonne suite

Anonyme a dit…

Tu as du mal lire les évangiles alors. Tout ce qui est un péché n est pas considéré comme un pardonnable mais comme faiblesse. d'ailleurs même si on parle pas religion le péché appelé de chair ou luxure dans la religion chrétienne qui est considéré même par les psychologues et docteurs com rendant addicts et toute forme d addiction c'est que l'on n'en veux de plus en plus et donc on devient esclave de ces addictions . jamais rassasié et donc malheureux car jamais asseq rassasié et donc on en fini esclave cela devient une source de mal être. et jésus veut te préserver de ton mal être . il ne faut pas voir le commandement de ne pas pecher comme une restriction mais une mise en garde pour ne pas appartenir a satan qui comme pour les drogues et bien pour tout peche ca parait bien au debut puis on en a besoin de plus en plus(sexe sans amour exces de luxure je dis bien exces et tous les autres peches voir les evangiles) et com pour les drogues a un moment on d'autre plaisirs qui rendent heureux vraiment fondation de cd