19 juillet 2006

Invitation au voyage en apnée

Dessin de David Gouny ©

Regard cerné de charbon, yeux anthracite, elle a endigué ses chairs dans un corset serré, comme on maîtrise un fleuve dans la sagesse d’un barrage. Corps indocile, seins opulents, ventre insoumis, la pulpe molle qui s’écrase au centre jaillit, plus arrogante encore, aux deux extrémités du vêtement qui dévoile tellement plus qu’il ne masque, dans un déluge de lacs charnels pas du tout artificiels. Pensive, son gros fessier dénudé déployé sur le sofa rouge, elle attend celui qui, chaque semaine, la rejoint dans cette chambre d’hôtel rococo, extravagante à l’image de son outrance, pour un échange de fluides moyennant quelques liquidités.

Elle a peint en rouge écarlate ses lèvres, sa bouche arrondie comme un sens interdit au baiser. Celui qui vient n’embrasse en elle que son sourire vertical, cherchant l’asphyxie dans la démesure de sa chatte et de son cul. Quand il ouvrira la porte, elle se lèvera brièvement, juste le temps de le laisser s’allonger sur le sol, entre ses énormes jambes écartées, la tête posée en arrière sur le sofa, à l’endroit même où elle a laissé le velours cramoisi s’imbiber de la moiteur ardente de son antre génitale humide. Puis elle s’installera de nouveau, assise sur la bouche ouverte de l’étouffé volontaire à qui, d’une voix douce mais ferme, elle intimera l’ordre de lécher tous les replis qui bordent ses orifices gonflés d’émoi.

Il s’exécutera sans mot dire, sur la musique obscène des bruits de salive et de cyprine mêlées, noyé attentionné dans la masse des muqueuses sensibles de cette femme-montagne qui, bientôt, sentira monter en elle un torrent de chaleur orgasmique qui secouera d’une onde sismique ses vastitudes de chairs flasques et tremblotantes, tandis que celui qui suffoque en périphérie de sa matrice se finira seul, à la pogne, jusqu’au bouquet de foutre final.

Quand il sera parti, laissant sur le guéridon un gros billet de couleur mauve, assorti aux murs de la chambre, elle enfilera son trench-coat sur son corps nu et débridé de son corset-carcan, et sortira de l’hôtel en serrant dans sa poche droite les 500 euros si facilement gagnés. Puis elle fera de la monnaie rue de Rivoli, chez Angelina, en savourant avec gourmandise un assortiment de délicieux gâteaux multicolores. Alors, dans son regard cerné de charbon, derrière ses yeux anthracite, passeront des vers de Baudelaire, comme une invitation au voyage lancée à qui voudra la regarder, à partir pour un instant de grisante apnée là où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté, entre le velours rouge du sofa rococo et la soie vermillon de son entrecuisse hospitalier.

2 commentaires:

Avner a dit…

Je suis toujours surpris, non par la qualité et la perfection (oui) de votre style évidente, mais par le fait que vous tapiez très juste sur le fond. Comme si cela avait été vécu, ces bruits, ces odeurs, ces images, ces situations précises, à milles lieues des ennuyeux sentiers et des revendications castratrices d'arrière-garde, comme si cela sortait tout droit de la tête d'un mâle qui bande pour les adipeuses et qui a des envies de facesitting, prêt à allonger la somme et la sauce. Mais non, vous êtes une femme.

Les réalisations de Monsieur Gouny sont quand à elles toujours aussi fascinantes et parlantes.

Anonyme a dit…

tout à fait d'accord avec Avner (surtout le dernier paragraphe hihi)
j'en tremble encore.